Les meilleurs scénarios

Considérons dès lors un système omniscient capable de répondre à toutes les questions et de prendre les meilleures décisions dans le sens de l'amélioration évoquée, et posons-nous la question des libertés que nous pourrions lui accorder. Quelle autonomie doit avoir la machine ? Quelle autorité aussi, et donc responsabilité ? Laisserions-nous la machine conduire notre véhicule ? Lui permettrions-nous d'éduquer nos enfants ? Et que ferions-nous de ses conseils avisés ? Suivrions-nous le régime alimentaire que l'intelligence artificielle nous préconisera ? Lui laisserions-nous nous imposer des choses ? Et dans quels domaines ? Car si il est déjà aujourd'hui courant de laisser des systèmes décider de la musique que l'on écoute, serions-nous prêts par exemple à lui laisser contrôler nos mouvements, comme par exemple ces nouveaux bracelets capables, par des vibrations, d'indiquer à un opérateur que sa main ne se dirige pas dans la bonne direction ? L'accepterions-nous comme une aide, ou le verrions-nous plutôt comme une contrainte ? Bref, les questions ne manquent pas, et l'on pourrait continuer indéfiniment si l'on n'avait noté dans ces interrogations une certaine convergence vers les thèmes du soutien, de la confiance et de la liberté. L'autonomie de la machine nous renvoie ainsi à notre propre condition, à la présence et à l'acceptation de l'autre, à la dépendance et la cohabitation, le partage des espaces, des ressources et des volontés, bref toutes les relations qui régissent les rapports entre les êtes vivants.

L'intelligence artificielle, capable de tout savoir et de tout faire, sera-t-elle à notre service ? Pourrons-nous lui commander de réaliser toutes les tâches à notre place, à condition que ces tâches soient également mécanisées, fiables et sécurisées ? Ou bien la machine sera-t-elle la donneuse d'ordre, nous imposant, ou nous laissant le soin d'appliquer ses décisions ? "Je préfèrerais rester libre" direz-vous peut-être ? Mais alors, si vous devez subir une opération médicale, préféreriez-vous que le chirurgien suive à la lettre une intelligence artificielle qui lui indiquerait les bons gestes ? Ou bien qu'il reste libre lui-aussi, avec une part de décision qui lui revient ? Et si la machine opérait elle-même ? En réalité, même aujourd'hui, alors que les machines font partie de notre quotidien, nous nous posons peu ces questions. Dans un monde de plus en plus automatisé, quels autres choix avons-nous que de lâcher prise, de laisser le contrôle, de s'adapter, d'accepter ce qui nous échappe, de faire confiance en l'autre et en la technologie, cet autre que je ne peux contrôler, sauf à prendre conscience que nous sommes aussi, chacun d'entre nous, l'autre de quelqu'un.

Le bon scénario commence à se dessiner : celui qui inspire confiance et préserve la liberté, parce qu'il aura été conçu dans la considération de tous et de chacun. Mais n'est-ce pas déjà, aujourd'hui, tout l'enjeu de notre condition, cette quête d'équilibre et d'harmonie, environnés de machines de plus en plus perfectionnées, de plus en plus performantes, de plus en plus envahissantes aussi. Et parmi ces machines devenues indispensables, que dire de la première de toutes, la planète ?

L'humain, la machine, la planète, le vivre ensemble, sont certainement les ingrédients de ce meilleur scénario ! Que l'IA soit l'occasion de se poser les bonnes questions représente au moins en cela une opportunité bénéfique.